8 septembre, 2024
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EGALITE ENTRE LES SEXES : PLAIDOYER POUR UNE MASCULINITE AU SERVICE DE LA JUSTICE SOCIALE ET DU DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE

La Célébration du 08 mars est, chaque année, un moment important qui interpelle l’humanité sur la nécessité d’assurer aux femmes et aux jeunes filles le respect de leurs droits fondamentaux. Il est question, non seulement, de revendiquer une meilleure prise en compte par les politiques publiques des questions d’équité et d’égalité des genres mais, surtout, d’insister sur l’importance de refonder les valeurs sociales afin que celles-ci garantissent plus de justice, de solidarité et d’équité entre les sexes.

Source : PanorActu

Chaque année, un cadre est donné à cette célébration à travers l’identification d’un thème qui alimente les débats et oriente les stratégies individuelles et collectives. L’Organisation des Nations Unies a cette année, statué sur la thématique suivante : « Penser équitablement, bâtir intelligemment, innover pour le changement ». L’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes se trouve ainsi, au cœur des problématiques de protection sociale, d’accès aux services publics et de construction d’infrastructures durables.

Au Cameroun, le choix a été fait par le Ministère en charge de la Protection de la Femme et de la Famille de retenir le thème ci- après : « Croisade contre les inégalités des sexes : s’arrimer à la nouvelle impulsion ». Il va s’en dire que le caractère abstrait d’une telle thématique est source de doutes et de craintes quant à la capacité qu’ont les autorités publiques camerounaises à penser des stratégies pratiques, efficaces et efficientes permettant à terme, de réduire considérablement les écarts structurels entre les sexes.

Source : AECF

Dans une toute autre mesure, les thématiques ainsi énoncées remettent à l’ordre du jour l’importance que revêt la prise en compte des besoins des femmes dans les politiques économiques, sociales, environnementales, ainsi que dans les stratégies globales de développement et de sécurité au sein des Etats. Il importe à ce titre, de faire un travail préalable de déconstruction des stéréotypes sexistes suffisamment ancrés dans les dynamiques sociales pour qu’une seule journée de célébration ou de revendication puisse y mettre un terme.

Force est de reconnaitre que la célébration (sous fond de revendications) de la journée internationale des droits des femmes, engagée depuis une quarantaine d’années, semble de moins en moins porter les fruits escomptés. Pour cause, les rapports entre les hommes et les femmes sont le reflet d’une construction sociale qui consacre l’attribution de rôles sociaux spécifiques calquée sur la hiérarchisation des sexes et les valeurs patriarcales.

Entendu comme système multiforme dont la principale caractéristique est d’accorder une autorité prépondérante au père[1], le système patriarcal structure les inégalités entre les sexes dans les sphères privées et, ensuite publiques. La domination masculine qu’il prône est maintenue et stabilisée par les hommes certes, mais aussi et surtout, par des femmes qui à travers l’éducation, ont la charge de transmettre les valeurs sociales et culturelles propres à un peuple ou à une communauté.  Cela a pour conséquence de renforcer la vulnérabilité des femmes et des jeunes filles, de plus en plus victimes de violences politiques, sexuelles, économiques et psychologiques ayant un impact négatif sur leur épanouissement personnel et leur contribution effective à la paix et au développement des communautés.

A ce titre, la construction d’une masculinité positive peut – elle contribuer à l’amélioration durable des conditions de vie des femmes et à la réalisation d’une équité sociale véritable ?

L’inégalité entre les sexes est l’expression des rapports de force qui structurent les relations et les interactions sociales. La co-construction d’une équité véritable repose, par conséquent, sur la mise en œuvre de stratégies inclusives visant à transformer les perceptions sociales de la masculinité, entendue d’une part, comme vecteur de domination et d’autre part, comme facteur de soumission.

En prenant pour référentiel de base l’approche ascendante des politiques publiques, il ressort que l’accent est de plus en plus mis sur l’importance d’inscrire les rapports entre les gouvernants et les gouvernés sous le prisme de l’horizontalité-participative, et non plus de la verticalité-assimilatrice. Appliqué à la question des inégalités entre les sexes, ce principe est une clef  permettant de reconsidérer la distribution du pouvoir au sein de la société, mais aussi, de consolider la résilience des acteurs sociaux dominants à travers la mise sur pieds de stratégies d’autonomisation adaptées. Il s’agit plus concrètement, d’implémenter des stratégies de coopération donnant lieu à la sortie progressive de la verticalité qui caractérise les rapports actuels entre les sexes.

Source : fr.123rf.com

Des actions allant dans ce sens sont conduites par des institutions telles qu’ONU Femmes, à travers notamment, le lancement dans divers pays, dont le Cameroun, de la campagne HeForShe (Lui pour Elle). Cette campagne est « une invitation adressée aux hommes et à toutes les personnes, quelle que soit leur identité de genre, à se déclarer solidaires des femmes afin de créer une force vive, visible et unie en faveur de l’égalité des sexes »[2]. Nous avons là une action salutaire et forte qu’il importe de capitaliser, mais aussi, d’analyser afin d’évaluer son impact réel sur le niveau de participation des hommes aux actions destinées à renforcer l’autonomisation[3] des femmes et des jeunes filles.

A travers la célébration de la journée du 08 mars nous aspirons, en tant que femmes, à la réalisation d’une société plus équitable qui tienne compte de l’importance de responsabiliser une majorité d’hommes[4], non pas en leur accordant plus de pouvoirs ou de prérogatives, mais plutôt, en travaillant sur les perceptions attachées à la masculinité et à ses modes d’expressions. Dans un contexte où la quête des femmes pour un meilleur accès aux droits politiques et économiques est très souvent assimilée à une quête pour la castration sociale et symbolique du « phallus dominant », reconstruire la masculinité et les perceptions qui s’y rattachent s’avère être une stratégie complémentaire pouvant donner à l’humanité « les moyens de contester les normes sociales en vigueur qui entraînent des déséquilibres entre les sexes et en leur donnant la possibilité d’adopter de nouveaux rôles et comportements »[5].

En réalité, parler des Droits des Femmes revient à parler des Droits de la personne humaine, mieux, des Droits de l’homme. Pour cette raison, autonomiser les femmes sans penser des politiques publiques et des actions sociales à même de renforcer grâce à l’éducation la capacité de résilience des hommes face aux mutations souhaitées dans les rapports entre les sexes est simplement irréaliste. Plus que jamais, il urge de faire du 08 mars une journée qui symbolise, non seulement, la lutte des femmes pour l’amélioration de leurs conditions de vie et le respect de leurs droits fondamentaux, mais aussi, une journée dont les mots seront plus portés par le désir de construire, d’unir et de rassembler hommes et femmes autour de dynamiques participatives. Cette approche pourra, en plus de donner un contenu nouveau à la masculinité, permettre d’assurer l’efficacité des actions individuelles et collectives visant à l’amélioration des conditions de vie des femmes à travers le monde.

Larissa WHEGO KENMEGNE  Et Dominique SONGUE

 

[1] FWELEY DIANGITUKWA, « Femmes africaines et leadership : mettre fin à la domination masculine », in Thinking Africa, p.4.

[2] HeForShe, https://www.heforshe.org/fr/movement, Consulté le 04/03/2019

[3] Autonomiser les femmes revient à leur donner les compétences dont elles ont besoin afin de conquérir la sphère publique, et spécifiquement, les domaines politique et économique. Du point de vue des droits Humains, l’autonomisation des femmes a pour objectif de garantir la reconnaissance de leur égalité sociale, juridique et universelle vis-à-vis des hommes.

[4] https://voicemalemagazine.org/male-empowerment-really/

[5] Idem.

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