Politologue, spécialiste de la Communication et chercheur en Sociologie Politique, Dr. Robert DEMANOU nous livre un regard scientifique sur le vécu de la pandémie du Covid-19 en Afrique.
Comment analysez-vous sociologiquement le comportement des Africains face à la pandémie du Covid-19 ?
C’est vrai que parler des Africains comme une catégorie homogène serait une exagération mais on peut toute de même affirmer au regard de la grande convergence des déclarations tant dans les médias traditionnels que sur les réseaux sociaux que, la majorité des Africains ont eu une perception victimaire de la pandémie du Covid-19. Le virus du complotisme s’est très vite répandu sur le continent, alimenté par les déclarations des chercheurs français, quant à leur volonté jugée « provocatrice » de réaliser des essais sur les Africains. Pour se légitimer, la rhétorique complotiste s’est appuyée sur divers propos et gestes convergents démontrant une corrélation factice des faits, sur l’action sécrète d’un groupe aux intentions malveillantes sur l’Afrique. Les rumeurs dans les réseaux sociaux sur les décès dus aux premiers essais du vaccin en Afrique et surtout les excuses du président français Emmanuel Marcon suite aux propos « inconséquents » des chercheurs français, sont venues définitivement enraciner les convictions sur une théorie du complot contre l’Afrique.
Depuis l’officialisation de l’utilisation de la chloroquine, l’on a noté quelques pénuries sur le marché africain. Quid des solutions africaines ?
C’est vraiment regrettable de constater que les mêmes africains qui vilipendent l’occident pour son complot présumé en vue de leur destruction continuent paradoxalement d’attendre des solutions miracles de Paris ou de Washington. Ce qui est plus regrettable c’est la vitesse avec laquelle les Africains étouffent les initiatives d’origine africaine. Ce sont d’une part les dirigeants politiques qui recadrent leurs compatriotes à chaque fois qu’une proposition endogène est formulée. Ce sont d’autre part, les médecins, les pharmaciens et les biologistes qui vantent avec beaucoup de zèle les mérites des médicaments importés en mettant en garde au passage les populations contre tout crédit accordé à nos plantes médicinales. On dirait qu’ils sont programmés pour légitimer le discours des dominants sur l’Afrique. C’est honteux de voir comment Emmanuel Marcon prend les devants pour officialiser l’usage de la chloroquine comme solution française et que la Chine n’arrête pas de vanter les vertus de sa médecine traditionnelle alors que les Africains continuent de sacrifier leurs chercheurs pour plaire à l’Occident. Je pense à mon avis que la faible pénétration de la pandémie en Afrique comparativement à certains grands pays prouve à suffisance que nos feuilles traditionnelles de neem et de kinkeliba ou encore notre ail, citron, gingembre et autre de cuisine, auraient des propriétés qui solidifient nos systèmes immunitaires en les rendant difficilement perméables au Covid-19. Cette hypothèse mérite d’être explorée par une recherche africaine décomplexée. Fort heureusement, le Président de Madagascar vient de vulgariser un remède traditionnel, le Covid-Organics comme une solution malgache à la pandémie. Vivement que l’Union Africaine et les chercheurs africains s’en saisissent et en fassent large écho pour faire entendre la voix de l’Afrique dans ce marché très couru des médicaments contre le Covid-19.
Propos recueillis par Joseph HASHEL