7 octobre, 2024
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Travail des enfants dans les minerais en RDC : Des avancées encore méconnues sur le plan international

Quelques élèves de la cohorte 2022-2023 des enfants sortis des sites miniers de cobalt et insérés dans les écoles primaires du Haut Katanga et du Lualaba
Les participants à la première session 2023 du Comité de Pilotage du PABEA-COBALT, le 11 janvier 2023 à Kinshasa

Autour de la problématique du travail des enfants dans les minerais en République Démocratique du Congo et des efforts pour éradiquer ce fléau, une certaine image stéréotypée est le plus souvent projetée sur la face du monde. Celle-ci découle d’une mauvaise couverture médiatique sur la réalité du travail des enfants dans les minerais (Moumouni, 2003). Le pays apparait rarement sous de beaux jours dans les narratifs des médias occidentaux. L’image projetée est le plus souvent de type apocalyptique : accroissement continu du nombre d’enfants mineurs, incapacité du gouvernement à éradiquer le fléau, exposition aux dangers divers, urgence humanitaire, décrochage scolaire prononcé, chaines d’approvisionnement irresponsables et bien d’autres. Une conséquence de ce genre de portraits est l’établissement des répertoires de connaissances, de symboles et de structures prédéfinies qui contribuent à l’élaboration d’une représentation stéréotypée du pays. Bien que la réalité sur le travail des enfants dans les minerais ne soit pas à nier au regard d’un certain nombre de reportages et travaux scientifiques (André & Godin, 2012; Boko, 2021; Justice et Paix, 2021; Kane, 2021; Mahelo, 2021; Mulanga, 2022; Réju, 2021), le discours déformant de certains médias et acteurs sur la réalité congolaise tend à étouffer les dynamiques positives et les avancées considérables conséquentes aux efforts fournis par le gouvernement avec l’appui des partenaires nationaux et internationaux. En relayant et en amplifiant les cris d’alarme à travers ce que Bernard Kouchner a appelé « la loi de tapage », le discours ambiant porté par certains médias et inspiré du paradigme de l’agenda setting, oublie de décentrer le regard sur les pratiques positives des acteurs et sous-estiment les innovations à l’œuvre dans l’action publique nationale. Dans cette logique, les préoccupations relatives à l’interaction dans un partenariat multi-acteurs ou celles liées aux effets et impacts produits par l’action publique sur les bénéficiaires sont rarement documentées. Bref, un pan considérable de l’action menée par les pouvoirs publics et les partenaires nationaux et internationaux se trouve ainsi occultée par la prédominance des discours déformants sur la réalité.

Et pourtant, un changement de posture paradigmatique permet de mettre en évidence les dynamiques enclenchées et les effets positifs issus de la mise en œuvre des actions publiques en faveur de la lutte contre le travail des enfants  dans les mines de cobalt, en République Démocratique du Congo. Un autre regard  permet de rendre compte des efforts fournis par les différents acteurs à travers leurs interactions, des contraintes, des innovations, des effets et des impacts produits dans la mise en œuvre d’une action comme le projet d’appui au bien-être alternatif des enfants jeunes impliqués dans la chaine d’approvisionnement du Cobalt (PABEA-COBALT) en RDC.

PABEA-COBALT : Une approche innovante de lutte contre le travail des enfants dans les minerais de cobalt en RDC

Conçu par le Gouvernement Congolais et financé par le groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD), le projet PABEA-COBALT est exécuté par le Fonds National de Promotion et de Service Social (FNPSS) sous la tutelle du Ministère des Affaires Sociales, à travers une Unité de Coordination (UCP) logée en son sein, avec le pilotage  technique de la Cellule présidentielle d’Appui au Programme d’Urgence Intégré de Développement Communautaire (CAPÜIDC), désormais fusionnée au Fonds Social de la RDC. Le projet vise une insertion sociale (avec prise en charge scolaire, psychologique, nutritionnelle et état civil) de 14850 enfants sortis des mines et sites miniers artisanaux de cobalt des provinces du Haut Katanga et du Lualaba et une reconversion de 6250 parents (tous jeunes) dans l’agrobusiness, à travers la création de 1250 coopératives agricoles. Il s’inscrit de ce fait en droite ligne la vision sociale défendue par le Chef de l’Etat Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo, dans son discours d’investiture du 24 janvier 2019 à la Magistrature Suprême. Cette reconversion socioéconomique en agrobusiness des parents de ces enfants et autres jeunes offrira à la Province du Haut-Katanga beaucoup d’opportunités économiques alternatives à travers la promotion des chaines de valeurs agricoles intégrant la production, la transformation et la commercialisation. Il en découlera la création de milliers d’emplois et d’auto emplois. Lez projet vise la création, de deux (2) centres de promotion de l’entreprenariat des jeunes dans l’agrobusiness dont l’un dans la province du Haut Katanga et l’autre dans le Lualaba. Il vise aussi la réhabilitation/construction/équipement et le renforcement des capacités de 40 structures sociales (éducation, santé, eau et assainissement) et le renforcement du cadre institutionnel afin d’étendre la lutte contre le travail des enfants dans toutes les autres catégories de minerais. En adoptant une démarche holistique et inclusive combinant l’insertion sociale des enfants sortis des mines de cobalt à la reconversion économique de leurs parents, le PABEA-COBALT constitue une innovation dans le secteur. Le projet permet ainsi de résoudre durablement la cause du travail des enfants dans les mines qui est la pauvreté de leurs parents. Il permet aussi au pays de poser les bases d’une diversification économique indispensable à la croissance inclusive.

Des résultats satisfaisants malgré les difficultés contextuelles

Lancé en 2019, le projet va se confronter à la dure réalité du Covi-19 avec sa panoplie de mesures barrières ayant porté un coup sur la mise en œuvre de certaines activités nécessitant des déplacements physiques. Mais à partir d’août 2021, avec l’assouplissement de certaines mesures par les gouvernements, l’Unité de coordination du projet reprendra ses activités avec beaucoup de détermination. Depuis lors, l’équipe sera au four et au moulin, avec un accent particulier sur l’accélération de la mise en œuvre des projets d’infrastructures. Entre le 01 et 04 octobre 2022, Modeste Mutinga, le Ministre des Affaires Sociales ; Actions Humanitaires et Solidarité nationale et, Président du Comité de pilotage du PABEA-COBALT, précédera à la pose de la première pierre de construction des Centres de promotion de l’entreprenariat des jeunes en agrobusiness (CPEJAB), respectivement à Kamoa par Komesha 3 dans le Lualaba et à Muntumpeke par Kipushi, dans le Haut Katanga. Par la même occasion, la délégation ministérielle qu’accompagnent Philippe Ngwala Malemba, Conseiller spécial du Chef de l’Etat et Coordonnateur de la CAPUIDC (actuel FSRDC) et Me Alice Mirimo Kabetsi, la Coordonnatrice de l’UCP/PABEA-COBALT, tiendra à s’assurer  de l’effectivité de la rentrée scolaire 2022-2023 des enfants sortis des mines et sites miniers de cobalt et, surtout, à sensibiliser les Autorités provinciales et locales et les autres parties prenantes provinciales (société civile et secteur privé) sur le bien être alternatif (BEA).

Le Ministre Modeste MUTINGA des Affaires sociales et Président du Comité de pilotage du PABEA-COBALT, lors du lancement de la distributions des kits scolaires aux enfants sortis des mines de cobalt et insérés dans les écoles du Haut Katanga et du Lualaba pendant l’année scolaire 2022-2023

 

En Avril 2023, à l’issue d’une mission de supervision de la BAD, il ressort qu’un total de 8254 enfants, soit 3 284 enfants (1 467 filles et 1 821 garçons) dans le Haut-Katanga et 4 970 enfants (1 844 filles et 2 348 garçons) au Lualaba dont l’âge varie entre 3 à 17 ans ont été certifiés physiquement et référés dans les écoles et centres de rattrapage. Une performance qui frôle un taux de réalisation de 98% par rapport aux objectifs de la première vague de l’année scolaire 2022-2023. Contrairement aux stéréotypes véhiculés par certains médias internationaux, l’on est heureux de constater que la lutte contre le travail des enfants est désormais possible en RDC.

Mission de supervision de la BAD du 03 au 11 avril 2023 dans le Haut Katanga et le Lualaba
Me Alice MIRIMO KABETSI avec le Ministre Modeste MUTINGA des Affaires sociales, après réception du Gouvernement congolais, du Certificat de Mérite pour avoir excellé dans les réalisation des objectifs fixés par le contrat de performance 2022

De même, les travaux de construction des CPEJAB avancent à grandes enjambées dans les deux sites du Haut Katanga et du Lualaba, soit 68% de travaux réalisés pour la construction des infrastructures zootechniques et de transformation des produits agricoles et 56% réalisés pour ceux de construction des infrastructures administratives et d’appui logistique. Une performance qui n’a pas laissée indifférente la Mission de supervision de la BAD d’avril 2023 qui a réitéré sa note de satisfaction, après celle de la Mission de Revue à mi-parcours de mars 2022, pour des performances réalisées par l’Unité de Coordination du Projet malgré les difficultés contextuelles. Bien avant la mission de supervision de la BAD, une expertise de l’Agence congolaise pour l’environnement (ACE) avait noté avec beaucoup de plaisir la conformité environnementale du projet dans la mise en œuvre des travaux d’infrastructure. Le 27 avril 2023, c’est au tour du Gouvernement congolais de décerner à Alice Mirimo Kabetsi, un certificat de mérité pour avoir réalisé avec son équipe les objectifs inscrits dans le contrat de performance 2022.

PBEA-CPOBALT : des défis encore à relever

Malgré les efforts fournis par le PABEA-COBALT et les résultats obtenus dans les provinces Haut Katanga et du Lualaba, le phénomène du travail des enfants tend à prendre davantage d’ampleur dans les sites miniers de la République Démocratique du Congo. Déjà en février 2022, après l’identification des bénéficiaires directs du projet, l’effectif des enfants initialement ciblés était passé de 14 850 à 16 845 et celui de leurs parents (jeunes) de 6250 à 10 552, soit respectivement un accroissement de 13% pour les enfants et 68% pour les parents. En plus, le projet a dénombré un total de 8226 jeunes travaillant dans les mines et désirant se reconvertir dans agrobusiness. Cet accroissement du nombre d’enfants travaillant dans les mines par apport à la cible initiale, intervient au moment où le projet amorce sa phase de clôture opérationnelle. D’abord prévue en décembre 2023, elle a été repoussée par la BAD à décembre 2024, afin de consolider les acquis de sa mise en œuvre et d’assurer sa durabilité dans le processus de réinsertion sociale des enfants bénéficiaires et de reconversion de leurs parents dans l’agrobusiness pour une chaine d’approvisionnement responsable du minerai de cobalt en RDC. Déjà en avril 2022, la Mission de Revue de la BAD avait souligné la nécessité de lancer une étude de faisabilité et les études environnementales et sociales pour la seconde phase du PABEA, au regard de l’accroissement du nombre des bénéficiaires découlant de l’identification réalisée en février 2022 et, du besoin urgent d’élargir l’assainissement des chaines d’approvisionnement d’autres minerais tels que l’or, le coltan, la cassitérite, le diamant ainsi que d’autres pierres de couleur et matières précieuses exploitées aussi dans les autres provinces de la République.

Mais cette assainissement de la chaine d’approvisionnement ne peut être durable que lorsqu’elle est inscrite dans la démarche d’un programme, afin de maximiser l’appropriation et la pérennité des acquis dans la durée. De même, à l’ère de la transition énergétique, la République Démocratique du Congo, premier producteur mondial du minerai stratégique de cobalt et deuxième producteur mondial de cuivre cristallise de plus en plus les appétits de multinationales qui sont en réalité les utilisateurs finaux de ces minerais. Afin de garantir une chaine d’approvisionnement responsable, le PABEA-COBALT, milite pour une inscription par la Cour Pénale Internationale (CPI) du travail des enfants dans les mines dans la liste des crimes contre l’humanité avec une poursuite des responsables de la chaine irresponsable jusqu’aux utilisateurs finaux devant la CPI, au même titre que les criminels de guerre. Le jeu en vaut la chandelle. Si l’on veut réellement en finir avec le travail des enfants dans les sites miniers de cobalt en RDC.

RD

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